(Journée Internationale des Nations Unies, Université Laval, Québec, 24 octobre 2006)
Bonsoir chers amis, vous me permettrez d’abord de remercier la section de Québec de l’Association canadienne des Nations Unies pour l’honneur qu’elle me fait de me permettre de m’adresser à vous aujourd’hui. Pour quelqu’un qui, comme moi, a fait carrière au niveau international depuis plus de trente cinq ans, la journée de Nations Unies est comme l’appel annuel à la réflexion sur ce que nous faisons dans cet univers où tant de problèmes, d’incidents ou de guerres sont le lots de tant de groupes sociaux , de sociétés ou de malheureux êtres humains.
Votre invitation aujourd’hui comporte également beaucoup de responsabilités dans la mesure où elle oblige à se concentrer sur les problèmes que cette vénérable institution, ayant vécu maintenant plus d’un demi siècle, a du affronter depuis sa fondation. Savoir si l’ONU est un instrument efficace ce serait avant tout faire une évaluation de son passé pour définir son avenir. Si vous le voulez, je vais brièvement, essayer de vous faire part des quelques réflexions que le sujet de cet allocution propose.
L’an dernier, mon ami ,le professeur Guy Gosselin s’était interroger sur la signification du soixantième anniversaire de l’Organisation et sur ce que les membres de l’Association peuvent faire pour faire avancer la cause de la paix et du développement.
C’est en effet ce dont il s’agit, l’institution née dans la période triste de la fin de la seconde guerre mondiale allait surtout viser à ce qu’un conflit comme celui-là ne se répète plus et que les moyens pour le prévenir soient mis en place. Elle rêvait également d’un monde où les sociétés pourraient se développer librement et sans contrainte Est-ce que l’Institution a atteint ses objectifs, est que l’instrument est l’outil performant que les fondateurs avaient envisagé. Personnellement , je vous dirais que compte tenu du fait que l’état du monde en 1945 était ce qu’il était et en constatant où nous en sommes arrivés aujourd’hui, l’idée générée lors de la fondation et les diverses institutions, organismes que le système des Nations Unies compte maintenant , je vous dirais donc que, si l’institution n’existait pas, la probabilité que le monde soit dans une situation plus difficile que maintenant serait très élevée. Cette démonstration un peu simpliste est utile dans la mesure où elle nous rend compte des limites que la vie internationale impose à l’ensemble des nations pour l’atteinte de leurs objectifs, leurs ambitions ou même de leur désir de domination. On ne saura jamais exactement combien de conflits l’ONU nous a épargné mais on sait, et de plus en plus tous les jours qu’elle permet dans tant de domaines maintenant à des sociétés de se prendre en main, à des cultures de ne pas mourir, à des enfants d’avoir une meilleure espérance de vie et à la vie internationale d’être plus transparente. L’ONU et l’ensemble des institutions qui la compose est devenu l’institution de base du village global. S’interroger alors sur son efficacité est alors une attitude tout à fait normale et souhaitable pour ceux qui veulent arriver à une paix durable.
Au cours d'une carrière qui m’a mené aux quatre coins de cette planète, il m’a été donné de constater que cet instrument imparfait avait un rôle si fondamental et que si il disparaissait on aurait devant nous une catastrophe d’un ampleur inégalée. Imaginez un instant que les questions de guerre et de paix soient traitées au hasard des relations bilatérales où la loi du plus fort est celle qui prévaut, imaginez un monde sans réglementation au niveau sanitaire, sans programme global de développement, sans agora pour discuter culture, sans cour de justice; tout cela et bien d’autres domaines que vous connaissez tout autant que moi sont les conséquences du fait que des dirigeants aient décider un jour de s’engager sur le chemin du dialogue et de créer une, des infrastructures qui appuieraient les décisions prises et les objectifs entendus. En somme qu’est-ce-que cette organisation, elle est d’abord extraordinairement complexe et englobe, nous l’avons vu tous les secteurs de l’activité humaines. Evidemment tous les jours nous voyons, nous entendons des mentions de l’ONU dans la presse principalement sur les questions de guerre et paix et sur les difficultés qu’elle rencontre ou les revers qu’elle subit dans ses objectifs de solution des conflits; fort bien mais l’institution est alors prisonnière de ses membres avec leurs objectifs et leurs ambitions avouées ou non avoués,. Le fait toutefois que l’ensemble des pays de la planètes reconnaissent que pour espérer pouvoir régler un conflit, l’Institution est incontournable, que l’admission d’un nouveau pays en son sein est la consécration ultime de son existence, suffisent à mon avis pour conclure que cette organisation tout imparfaite et erratique qu’elle soit est maintenant essentiel au bien-être de l’humanité. C’est ce que les leaders du monde avaient exprimé dans la Déclaration du Millénaire en souhaitant une contribution plus active à l’édification de notre avenir commun .Malheureusement après cette espèce d’euphorie du passage de l’an 2000, le monde a eu à faire face à de multiples défis que les événements du 11 septembre ont cristallisé. L’ONU s’est alors manifesté comme un lieu de compassion malheureusement de courte durée car on sait que la suite des événements qui se sont succédés depuis, le conflit en Irak, la crise au Darfour, le conflit au Liban nous ont rapidement ramenés à la triste réalité, il n’en reste pas moins que l’Institution continue d’être le seul espoir que les dirigeants de cette planète ont pour faire face aux démons de l’ambition de domination , de la tentation de la violence.
S’il est vrai que la période actuelle peut apparaître déprimante en voyant souvent l’incapacité de l’Institution à faire face aux conflits, il faut aussi se dire que l’espoir est toujours présent et que comme dans le cas du récent conflit entre Israël et le Hisbollah, le Conseil de Sécurité a tout même réussi à faire cesser les hostilités. Quelque part, je crois que nous pouvons dire c’est quand même grâce au dialogue instauré que des vies humaines ont été sauvées. Dans le cas de la crise actuelle touchant la Corée du Nord, je suis convaincu que c’est par le dialogue que l’on pourra arriver à une solution et que c’est l’Institution qui poussera les protagonistes des Six Party Talks à reprendre le dialogue.
Cependant pour parler de l’efficacité du système des Nations Unies, il faut aller au delà des aspects de paix et sécurité, comme je l’ai dit cet aspect touche à la première perception de l’Organisation, les états-membre collaborent dans tant de domaines que, à mon avis, s’il ne s’agissait que de cela, nous pourrions dire que l’Institution est une réussite. Que ce soit le grave problème du VIH/CIDA, des drogues, des droits humains, le développement, tous les jours l’organisme s’occupe des réfugiés, travaille sur tous les continents pour améliorer la santé et le bien-être des enfants, dans tous ces secteurs et bien d’autres dont on entend peu parler, l’absence de nouvelles sur vos écrans à ces sujets est souvent le signe de l’efficacité des programmes mis en place. Lors de mes deux affectations en Afrique, j’ai été à même de constater l’extraordinaire importance que revêtent dans les diverses capitales, les bureaux des Nations-Unies, ils ne sont pas que le symbole de l’intérêt de la communauté internationale pour les problèmes de la région, ils sont aussi et souvent les lieux de lutte contre l’ignorance, la maladie, la corruption , ils sont les observatoires privilégiés pour les diagnostics essentiels à la lutte au sous-développement.
Si je donne des bons points à l’ONU dans ces secteurs, je ne pourrais quand même pas passer sous silence le fait que durant la Guerre Froide , l’institution était beaucoup moins efficace parce que paralysée par l’opposition entre les deux blocs. Si on considère le monde dangereux maintenant, les plus vieux parmi vous se souviendront de la crise des missiles de Cuba où la guerre nucléaire entre deux membres du Conseil de sécurité nous a directement menacé. A cette époque on ne pouvait certes pas parler d’instrument particulièrement efficace pour la paix mondiale même si quelques années auparavant le concept de Casques bleus pour le maintien de la paix avait déjà vu le jour grâce à un proposition de L.B. Pearson, alors premier ministre du Canada. Ce concept vous le savez, a, avec ses limitations continué à être utilisé dans diverses parties du monde. Que ce soit au Congo, au Liberia en Sierra Leone, au Timor oriental, au Cambodge, au Rwanda etc , la communauté internationale a essayé de régler conflits et différents. Les cas que je viens d’énumérer sont loin d’être tous des réussites pour l’Organisation, qui ne se souvient pas des atrocités du Rwanda et de la réponse mièvre de l’ONU, de ses pays-membre pendant que le général canadien Roméo Dallaire faisait héroïquement face à la situation sur place et essayait de convaincre ses supérieurs à New York de lui envoyer plus de troupes. Ce cas ,à mon avis illustre bien, un des paramètres les plus importants de l’Institution c’est qu’elle est totalement tributaire de la volonté de ses membres et que les grandes puissance et en particulier les membres du Conseil de Sécurité ont une responsabilité particulière lorsqu’il s’agit de faire face à des situations de crise. Je l’ai souvent entendu de la bouche même de Boutros Boutros-Ghali avec qui j’ai eu le privilège de travailler pendant quatre ans lorsqu’il est devenu secrétaire-général de l’OIF.
Comme nous arrivons au terme du mandat du Secrétaire général Kofi Annan, je voudrais vous parler un peu du rôle que joue ou devrait jouer le Secrétaire général.
A mon avis , il doit être avant tout l’inspirateur des grandes actions de l’ONU, il doit prendre un certain nombre de risques dans ses initiatives, il doit convaincre les membres et surtout les plus puissants que son rôle ne vise qu’à l’atteinte des objectifs de l’Organisation, il doit savoir écouter tous les membres mais surtout les plus faibles car souvent les petits pays n’ont que cette voix à New York pour s’exprimer. Il doit être le symbole des idéaux de l’humanité, il ne doit pas se compromettre avec les tyrans mais il doit aussi savoir leur faire comprendre qu’ils ont un rôle à jouer pour la paix et la stabilité mondiale et que leurs intérêts seront mieux servis par cette situation. Il doit aussi pouvoir et vouloir dénoncer les abus et savoir utiliser l’opinion publique internationale pour arriver à ses objectifs. La tâche de Secrétaire général est probablement la plus difficile qui existe mais elle est sans doute parmi les plus exaltantes. Je veux ici rendre hommage à M. Kofi Annan secrétaire-général sortant et le remercier au nom de vous tous pour le travail accompli, il mérite notre admiration. Je voudrais également souhaiter à M. Ban Ki-Moon un mandat des plus fructueux et le courage de faire face au nombreux défis qui l’attendent.
Mais, revenons, si vous le voulez bien, aux concepts de base pour mesurer l’efficacité d’une organisation. Comme vous le savez tous il faut d’abord regarder les objectifs de l’organisation et ensuite évaluer la qualité des résultats obtenus en fonction de ces objectifs. Comme je le disais au début de ma présentation, les pères fondateurs, traumatisés comme tous , par la seconde guerre mondiale, ont voulu stopper la guerre, toute guerre et viser à l’instauration de la paix universelle. Y sont-ils y arrivés? certes non mais l’autre question à se poser est la suivante: Etait-il réaliste de penser pouvoir y arriver, certes non encore mais la noblesse de l’objectif faisait qu’il ne pouvait être autre. Peut-on réalistement dans ces conditions dire que l’inefficacité de l’ONU est telle que l’Institution devrait être démantelé, certes non. Alors parlons d’amélioration, d’augmentation d’efficacité, de meilleure gestion car nous voulons tous atteindre les objectifs fixés par les fondateurs. Je dirais tout de même que, d’après moi, s’il faut une plus grande efficacité, un pouvoir de décision plus établi, il faudrait que les états acceptent qu’un partie de leur souverainement soit mise en commun. En effet, comment pourrait-on avoir des décisions exécutoires si les états n’acceptent pas l’autorité ultime de l’ONU. La réforme passe donc d’abord par la volonté individuelle des états d’accepter que l’organisme ait l’autorité nécessaire à la mise en oeuvre des décisions prises. Une fois ces principes acceptés, et ce n’est encore pour demain, on pourra alors envisager les mécanismes pour améliorer le processus de décision. Il ne faut que les états cessent de voir l’organisation comme seulement un instrument qui servirait leurs intérêts. Il faut viser à faire de l’institution un reflet du monde actuel en tenant compte des nouvelles puissances émergentes, de toutes les régions du globe. Le conseil de sécurité depuis longtemps visés par les tenants de la réforme doit pouvoir devenir un organe efficace tenant compte de l’ensembles des intérêts nationaux et régionaux tout en visant a en faire la synthèse. Les réformes mises en place en septembre 2005 sont loin des objectifs et des rêves que beaucoup souhaitaient, le professeur Gosselin a bien illustrer ces points lors de son allocution de l’an dernier, Cela dit, je crois tout de même , que l’idée de la réforme est plus présente et que l’évolution de l’institution continuera. Elle se doit toutefois de réagir car, la crise de confiance dont elle est la victime, pourrait s’amplifier si les réformes démarrées restaient sans lendemain. Je crois que la mise en place d’un système multilatéral est tout à fait réalisable. Pour ce faire il faut que les pays s’engagent, et le nôtre en particulier , sur la voie de la solidarité mondiale fondée sur des« convictions et des actions partagés» selon les mots de l’ex vice-secrétaire générale, mon amie Louise Fréchette. Pour y arriver, il faut selon elle s’engager autour d’une conception commune de la sécurité collective, il faut ensuite mettre en place les mesures pour faire reculer la misère et la faim, lutter contre la dégradation de l’environnement etc.
Enfin, et je l’ai déjà abordé moderniser les instruments de la gouvernance mondiale.
Vous voyez que le chantier est vaste, tout n’est pas à refaire, le monde a parcouru une grande distance depuis 1945, il a avancé, il a reculé, il s’est repris, a mis en place de nombreuses institutions au sein du système Onusien, elles fonctionnent, mais comme tout organisme elles doivent être soumis à la vigilance de tous les membres. Votre présence ici aujourd’hui témoigne de l’intérêt que vous portez à l’institution et à la cause de l’humanité, je vous en félicite et vous demande de continuer à propager et défendre cette noble cause. Je vous remercie.
dimanche 12 novembre 2006
Discours: Bilan de la Conférence de Montréal (Janvier 2006)
J’aimerais tout d’abord vous remercier de m’avoir invité ici aujourd’hui pour vous parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui a été littéralement mon quotidien au cours des six derniers mois de l’année 2005. La Conférence de Montréal sur les Changements climatiques, son nom officiel du jargon des Nations Unies étant COP11-MOP1, s’est terminée de l’avis de tous les observateurs , sur un grand succès et sur une ouverture modeste mais optimiste sur la suite du programme de Kyoto c’est à dire la période au-delà de 2012. Pour avoir participé à cette conférence historique et pour avoir été associé de très près à sa préparation, je suis très fier des résultats obtenus et souhaite que Montréal reste pour les générations futures comme la conférence qui aura véritablement amorcé la suite de Kyoto.
Je voudrais donc vous entretenir brièvement aujourd’hui de l’ensemble du processus de préparation de la Conférence, de son déroulement et des perspectives que le document sur lequel nous nous sommes mis d’accord au matin du dix décembre dernier ouvre sur l’avenir. Je voudrais également essayer de voir avec vous ce que nous comme individus pouvons faire pour contribuer à la solution de ce problème fondamental auquel la planète est aujourd’hui confrontée. J’aimerais que nous prenions ensuite quelques minutes pour échanger sur le sujet.
Lorsque le 16 février 2005, M. Paul Martin alors premier ministre annonçait que le Canada avait décidé d’être l’hôte de cet évènement, il avait ainsi inscrit les référence de base de la conférence . Je le cite :
« Nous devons saisir l’occasion et nous concentrer sur le besoin de réunir les pays industrialisés dans le cadre d’une vaste action internationale visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous devons nous fixer comme objectif d’élaborer un plan mondial complet de protection de l’atmosphère.» Il a également ajouté : « En présidant la conférence, le Canada aura l’occasion de définir le programme environnemental au-delà de Kyoto.»
Il y aura bientôt un an que le Canada s’est engagé sur la voie de la préparation de cette vaste conférence. À titre de président et d’organisateur, le Canada a du s’engager dans un processus très serré de planification afin de mener à bien cette entreprise. Je voudrais ainsi aborder les défis stratégiques auxquels nous avons fait face et les accomplissements que nous espérions réaliser.
La Conférence de Montréal, passera à l’histoire comme la plus importante rencontre internationale sur les changements climatiques depuis Kyoto en 1997. Montréal a en effet reçu plus de dix mille participants, plus de 180 délégations se sont déplacées vers Montréal et la presse internationale, venue en masse a donné une couverture mondiale sans précédent à l’évènement. Toutefois, ici au pays le déclenchement des élections fédérales a quelque peu dilué la couverture de presse qu’un tel évènement était en droit d’attendre. Cette réunion constituait également la première réunion des Parties au Protocole de Kyoto qui est entré en vigueur en février 2005. Par ailleurs plus de 3000 citoyens de tous les horizons ont participé à des évènements parallèles mettant en valeur les expertises canadiennes. Cette onzième COP se déroulait pour la première fois en Amérique du Nord et pour la première fois dans un pays le l’Arctique, notre pays partageant cette zone avec plusieurs grands pays.
À titre d’hôte et de président, le Canada a pu jouer un rôle de leadership. Je voudrais ici et en toute objectivité insister sur le fait que c’est l’indéniable leadership de M. Stéphane Dion qui nous a permis d’arriver au succès que nous avons connu. Il mérite toute notre admiration. Comme je vous l’ai dit, j’ai été particulièrement honoré d’avoir été personnellement associé à cette aventure.
Parlons maintenant d’un certains nombres de données, de faits qui touchent nos vies quotidiennes. En effets les impacts du changement climatique sur l’environnement, sur l’économie et les politiques du Canada sont très significatifs et ne cessent de croître. Nous en voyons déjà les premiers signes dans de nombreux secteurs, notamment l’agriculture où on constate l’accroissement du nombre de sécheresses, les forêts par l’augmentation des feux et la multiplication des insectes, les pêches par la fermeture de certaines pêches comme celle du saumon rouge du fleuve Fraser. L’augmentation des espèces envahissantes et leurs impacts sur la biodiversité de notre pays est également un signe tangible de ce mouvement. Les conséquences économiques en découlent naturellement et, par exemple le secteur des assurances avec une augmentation appréciable des primes de risque. Le réchauffement de l’Arctique menace également notre souveraineté sur les eaux de l’archipel arctique et signifie une hausse des coûts liés à la défense de nos intérêts dans cette région.
Pour atténuer les impacts du changement climatique à l’échelle du pays, le gouvernement doit prendre rapidement les mesures nécessaires à l’adoption d’une approche globale à long terme inclusive et efficace sur le plan environnemental. Pour atteindre cet objectif, il faudra continuer à pousser nos élus pour que le Projet vert amorcé par le gouvernement précédent soit appliqué et, si possible amélioré. La nouvelle donne politique actuelle n’est malheureusement pas très propice à un très grand optimisme. En effet, hormis quelques rencontres entre ministres fédéral et provinciaux, aucun signe tangible ne s’est manifesté. La nouvelle ministre fédérale de l’Environnement a décidé d’assumer la présidence jusqu’à la conférence de Nairobi. J’espère fortement que le gouvernement, étant donnée sa nouvelle situation de responsabilité, donnera à cette question toute la priorité que la situation exige.
Par ailleurs, je vous dirais qu’aucun pays du monde ne peut se soustraire aux effets du changement climatique ni atténuer les impacts de ce phénomène en agissant seul. Le changement climatique est un véritable défi planétaire. Les scientifiques sont formels sur cette constatation. Vous aurez, sans doute, lu dans le journal Le Devoir du week-end que les prévisions des scientifiques seront sans doute encore plus pessimistes qu’ils ne l’avaient prévu à l’origine. Nous n’avons donc d’autre choix que de nous y attaquer ensemble le plus tôt possible. Plus nous attendons, plus la situation s’aggravera, et il deviendra de plus en plus difficile de la contrôler.
Il n’y a pas de solution miracle. Les efforts que nous déployons actuellement pour lutter contre le changement climatique sont certes importants mais ils ne sont que les premiers sur une route qui sera longue. Les efforts additionnels nécessaires exigeront le rapprochement de nombreux problèmes et intérêts complexes. Par exemple :
Le Protocole de Kyoto ne couvre que 35% des émissions mondiales de GES et les engagements s’y rattachant se terminent en 2012.
Les États-Unis, qui produisent 25% des émissions mondiales ne sont pas signataires du Protocole.
Les principales économies émergentes comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du sud, le Mexique et d’autres n’ont encore souscrit à aucun engagement.
Les pays en développement reconnaissent le problème mais leurs priorités sont la croissance économique et la lutte contre la pauvreté; ils ont besoin de soutien. Dans ces économies, il est primordial d’établir un profil de croissance faible pour les émissions de carbone.
Sans être inutilement pessimiste, je dirais que nous sommes aux prises avec le risque d’une impasse internationale due à la divergence et aux tensions qui existent entre les pays industrialisés et les pays en développement, les producteurs d’énergie et la plupart des pays vulnérables. En outre, comme je le signalais plus tôt, il y a urgence d’agir parce qu’il faut réaliser des réductions considérables, et tout retard en ce sens ne fera qu’amplifier le problème. En même temps, nous avons besoin de stratégies d’adaptation pour faire face aux changements qui sont inévitables. J’ajouterais que notre société occidentale et développée est mieux équipée pour faire face au changement et qu’en conséquence un devoir de solidarité avec le reste de la planète s’impose.
J’ai mentionné au début de ma présentation que le Canada s’était employé à tout mettre en œuvre pour que notre conférence soit une réussite. Des ministres et des hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral ont mené une consultation internationale sans précédent qui a nécessité la tenue de plus de 150 réunions dans plus de 50 pays. Du mois de mai au mois de novembre dernier, j’ai moi-même visité une bonne trentaine de pays. Mes consultations m’ont conduit de New York au siège de l’ONU à Bonn, siège de l’UNFCCC (la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques); je me suis déplacé sur tous les continents, de Buenos Aires à Caracas, de Rabat à Johannesburg en passant par Dakar et Nairobi, de Budapest à Moscou et Astana, de Tokyo à Wellington et New Delhi. L’objectif de base de cette stratégie visait à ce que nous puissions recueillir par cette vaste consultation un engagement international à l’égard de la mise en œuvre des engagements de Kyoto.
Au cours de ces rencontres, les pays en développement et les signataires du Protocole de Kyoto nous ont dit, par la voix de leurs autorités politiques, que cette entente devait être mise en application. Mais on nous a aussi dit que la préparation d’une entente future, pour la suite de Kyoto, devait tirer profit des enseignements découlant du Protocole, de ses difficultés et de ses avantages.
A la lumière de tous les commentaires recueillis, nous avons élaboré un cadre de travail qui comportait six éléments :
1- Atteindre une efficacité environnementale au moyen de réductions importante des émissions mondiales;
2- Concevoir un meilleur système pour soutenir le développement durable dans les pays en développement;
3- Favoriser une participation élargie pour accroître l’efficacité environnementale et viser une plus grande quantité d’émissions;
4- Privilégier un marché mondial plutôt qu’une série de marchés nationaux fermés;
5- Prévoir des incitatifs et des mécanismes efficaces pour stimuler l’innovation technologique;
6- Élaborer un programme explicite en matière d’adaptation parce que les impacts sont réels et actuels, ils sont déjà ressentis dans plusieurs régions du monde.
Nous avons présentés ces éléments lors de la
réunion ministérielle tenue en septembre dernier, à Ottawa. La réaction a été favorable à leur utilisation dans un cadre de travail global pour orienter les efforts mondiaux présents et futurs dans la lutte contre le changement climatique.
Cette période de préparation nous a également permis de percevoir un mouvement grandissant en faveur de l’action. Ce mouvement était perceptible autant chez les gouvernants que chez les organisations indépendantes.
Tout d’abord, à la réunion des pays du G8 à Gleneagles, en Grande Bretagne, les changements climatiques étaient au cœur des débats. Un consensus scientifique s’est dégagé sur la nécessité d’agir et une déclaration a été émise sur le changement climatique accompagné d’un plan d’action détaillé selon plusieurs axes et secteurs : bâtiments, électroménagers et véhicules éco-énergétiques; élaboration de stratégies sectorielles; énergie fossile plus propre, énergies renouvelables et renforcement de la recherche et développement.
Ensuite, en juillet 2005, l’Australie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis ont crée un partenariat Asie-Pacifique pour le développement propre et le climat (Asia-Pacific Partnership on Clean Development and Climate) afin de développer, de mettre en application et d’assurer un transfert de technologies plus propres et plus efficaces et de s’attaquer à la réduction de la pollution, à la sécurité énergétique et aux changements climatiques à l’échelle nationale, conformément aux principes de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Par ailleurs d’autres pays, à l’approche de Montréal, ont tenu des discussions constructives sur une approche possible pour l’avenir, ce fut le cas au Groenland ,à l’invitation du Danemark.
En septembre 2005, lors de la séance de haut niveau de la 60ième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, les participants se sont entendus sur le défi important que pose à long terme et à l’échelle planétaire le phénomène du changement climatique, qui risque d’avoir des effets sur tous les points du globe. Enfin, toujours dans l’optique de la préparation de la Conférence de Montréal, le gouvernement canadien a, comme je vous l’ai déjà signalé, tenu sa propre réunion préparatoire en septembre dernier à Ottawa, réunion qui réunissait un groupe représentatif de 38 pays afin de discuter des préparatifs de Montréal.
Voyons maintenant ce que le Canada comme hôte de la Conférence visait avec cette période de préparation, quels étaient nos objectifs et que croyions-nous possible de réaliser pendant cette réunion. Disons d’abord qu’à la lumière des consultations que nous avons tenues, nous avons pu déduire que les modestes objectifs que nous visions pourraient être atteints lors de la COP-MOP de Montréal. Ces objectifs, vous pouvez en déduire la teneur, étaient les suivants :
1- Mettre en œuvre le Protocole de Kyoto
2-Améliorer et renforcer le Protocole et la convention-cadre sur le changement climatique.
3- Ouvrir la voie à une discussion sur les possibilités d’une action concertée à long terme pour lutter contre le changement climatique.
C’est ce que nous avons appelé dans le jargon de la Conférence les trois A : Application, Amélioration et Avenir ou en anglais les trois I : Implement, Improve ans Innovate. Nous avons, à l’instar de Stéphane Dion , martelé ces trois mots tout au long de la conférence.
Ces trois objectifs appellent les commentaires suivants : Tout d’abord, il faut dire que nous étions bien conscients que tous les progrès touchant du troisième objectif allaient être facilités sinon totalement tributaires des progrès accomplis à l’égard des deux premiers. Nous savions également, nous comptions sur eux, que les pays en développement allaient être des joueurs clés dans le contexte de cette stratégie.
Il est aussi important d’ajouter qu’au fur et à mesure de l’avancement de notre processus de consultation, il nous est apparu clairement que, même si ces pays étaient prêts à donner leur appui à une approche fondée sur les éléments proposés par le Canada, ils s’attendaient à ce que les pays développés s’acquittent de leurs responsabilités au titre du Protocole de Kyoto et de la Convention-cadre sur les changements climatiques, en réduisant leurs émissions et en appuyant les efforts des pays en développement dans la lutte contre le changement climatique.
Nous savions également que les marchés allaient suivre de très près le processus. Il était pour nous évident que si les gouvernements lançaient un signal clair de leur engagement envers des énergies plus propres, cela ouvrirait la voie à des solutions novatrices axées sur le marché pour des technologies à faible carbone.
Revenons maintenant aux trois objectifs visés et examinons plus en détail ce que la Conférence de Montréal nous a permis d’accomplir.
D’abord, nous avons réussi assez rapidement, dès les premiers jours à mettre en place l’instrumentation de Kyoto, il nous a fallu nous mettre d’accord sur les 19 décisions découlant des accords amorcés à Marrakech pour établir les règles de fonctionnement du Protocole. Il nous a également fallu traiter de la question de l’établissement d’un régime de conformité. Toutes ces décisions relevaient la plupart du temps de données très technique que les organes subsidiaires de la Conférence ont abordé au cours de toutes ces journées.
Notre second objectif d’amélioration et de renforcement du Protocole et de la Convention a également été atteint. Il nous fallait renforcer et les mécanismes du Protocole comme le MDP(Mécanisme de développement propre) et celui pour l’application conjointe (AC) afin d’aider les divers pays à respecter leurs engagement et à faciliter aux pays en développement l’accès à l’expertise et à la technologie. Nous avons réussi à le faire. Le MDP a maintenant un processus d’approbation de projet plus simple et plus efficace avec un financement assuré pour les deux prochaines années afin de faire démarrer le processus. Le Canada a joué un rôle de leader dans ce domaine tout comme d’ailleurs dans celui de l’appui aux pays en développement sur le plan de l’adaptation et de la technologie. Ces éléments étaient absolument essentiels car ces pays ont besoin d’une aide accrue pour s’adapter au changement climatique. Vous n’avez qu’à regarder les actualités pour constater l’ampleur de la bataille qu’ils livrent contre les effets dévastateurs de catastrophes météorologiques. Ils ont également besoin d’un plus grand appui pour développer, mettre en application et diffuser des technologies durables sur le plan environnemental, afin de devenir des économies plus propres c’est-à-dire à intensité réduite en carbone. Ils ont d’autant plus besoin d’aide qu’une augmentation considérable de leurs émissions est prévue. ( Il s’agit de constater la croissance économique de pays comme l’Inde ou la Chine pour comprendre)
Je vous ai dit plus tôt que notre troisième objectif, que beaucoup considéreront trop modeste, consistait à amorcer une discussion à long terme pour lutter contre le changement climatique. C’est le troisième A pour avenir, le I de l’Innovation.
La délégation canadienne, encore là, suite à nos consultations, considérait que pour que Montréal soit quelque part une réussite,les pays présents devaient s’entendre sur une approche globale à long terme efficace sur le plan environnemental et intégrée à l’économie mondiale pour contrer les changements climatiques. Ce que nous voulions dire par long terme, c’est une sorte de planification pour parvenir à une stabilisation des émissions de gaz et la maintenir. L’expression « efficace sur le plan environnemental « signifie des réductions d’émission de GES en profondeur. Une approche globale était pour nous une approche inclusive de tous les grands émetteurs de GES et ceux qui revêtent une importance particulière, enfin l’intégration à l’économie mondiale signifiait que cette approche devait devenir la nouvelle façon de gérer les affaires courantes. Vous voyez donc le défi!
Étions-nous réalistes ? Nous nous basions sur la perception que nous avions de l’existence d’un consensus mondial selon lequel la science actuelle appuie la nécessité d’agir. En revanche, nous savions qu’il n’y avait aucun consensus sur la forme que devait prendre cette action. De nombreux pays avaient ratifié le Protocole de Kyoto et d’autres ne l’avaient pas fait. Encore une fois, disons que le Protocole ne couvre qu’environ 35% des émissions de GES mondiales. Nous savions également que d’ici à ce que la période d’engagement prenne fin en 2012 et compte tenu de la croissance économique prévue dans les pays qui ne souscrivent à aucun engagement de réduction, ce chiffre pourrait diminuer et peut-être
Atteindre à peine 25% des émissions de GES mondiales. Nous avions dons besoin d’une approche à long terme pour l’avenir, plus facile à dire qu’à faire me direz-vous! En effet! Le moment de faire preuve d’imagination était devant nous! Nous avions besoin de nouvelles idées .Il nous fallait faire fond sur les enseignements de Kyoto et trouver des solutions permettant d’élargir le nombre de participants, de mettre à profit la force des marchés pour stimuler l’innovation et s’adapter aux changements déjà en cours.
Le fait d’avoir atteint nos objectifs au niveau de la mise en œuvre de Kyoto et de son amélioration au niveau du fonctionnement n’étaient pas suffisant, il nous fallait amorcer la période post-2012 où les pays non signataires ou sans cible puissent d’une manière ou d’une autre intégrer un processus qui n’allait pas consacrer Kyoto comme un accord ayant eu la vie brève de 2008 à 2012 et rien après. Ce sont ces discussions avec le représentants de dizaines de délégations qui ont pris ces jours et ces nuits pour arriver à une formulation acceptable à. tous les membres de la COP, États-Unis, Russie Australie incluses C’est ce que le texte final arrive à faire, troisième élément de nos objectifs : ce n’est peut-être pas une grande innovation . Il nous permet d’intégrer les pays de Kyoto à ceux qui ne le sont pas dans un processus commun que les prochaines conférences nous aideront à voir progresser.
La prochaine réunion à Nairobi pourra faire le point sur les ateliers qui ont été décidés à Montréal, le Canada à titre de président aura un rôle fondamental à jouer, j’espère que ce sera le cas car si, Montréal a suscité des espoirs, le chemin est encore long car le travail ne fait que commencer. Si le Protocole de Kyoto n’était pas suivi sous une forme ou sous une autre d’un régime d’engagements fermes de la part des grands émetteurs de la planète, tout cela n’aura servi à rien, Montréal ne sera vraiment jugé comme une réussite, un nouveau départ que si la dynamique amorcée prend son essor rapidement et que la conscientisation des individus se manifeste de façon tangible en faisant pression sur les gouvernants et en adoptant des attitudes personnelles plus conformes aux nobles objectifs écologiques que nous connaissons tous. J’espère que nous y arriverons, j’ai des petits enfants, j’espère pour eux mais je n’en suis pas certain.
Je vous remercie de votre attention.
Je voudrais donc vous entretenir brièvement aujourd’hui de l’ensemble du processus de préparation de la Conférence, de son déroulement et des perspectives que le document sur lequel nous nous sommes mis d’accord au matin du dix décembre dernier ouvre sur l’avenir. Je voudrais également essayer de voir avec vous ce que nous comme individus pouvons faire pour contribuer à la solution de ce problème fondamental auquel la planète est aujourd’hui confrontée. J’aimerais que nous prenions ensuite quelques minutes pour échanger sur le sujet.
Lorsque le 16 février 2005, M. Paul Martin alors premier ministre annonçait que le Canada avait décidé d’être l’hôte de cet évènement, il avait ainsi inscrit les référence de base de la conférence . Je le cite :
« Nous devons saisir l’occasion et nous concentrer sur le besoin de réunir les pays industrialisés dans le cadre d’une vaste action internationale visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous devons nous fixer comme objectif d’élaborer un plan mondial complet de protection de l’atmosphère.» Il a également ajouté : « En présidant la conférence, le Canada aura l’occasion de définir le programme environnemental au-delà de Kyoto.»
Il y aura bientôt un an que le Canada s’est engagé sur la voie de la préparation de cette vaste conférence. À titre de président et d’organisateur, le Canada a du s’engager dans un processus très serré de planification afin de mener à bien cette entreprise. Je voudrais ainsi aborder les défis stratégiques auxquels nous avons fait face et les accomplissements que nous espérions réaliser.
La Conférence de Montréal, passera à l’histoire comme la plus importante rencontre internationale sur les changements climatiques depuis Kyoto en 1997. Montréal a en effet reçu plus de dix mille participants, plus de 180 délégations se sont déplacées vers Montréal et la presse internationale, venue en masse a donné une couverture mondiale sans précédent à l’évènement. Toutefois, ici au pays le déclenchement des élections fédérales a quelque peu dilué la couverture de presse qu’un tel évènement était en droit d’attendre. Cette réunion constituait également la première réunion des Parties au Protocole de Kyoto qui est entré en vigueur en février 2005. Par ailleurs plus de 3000 citoyens de tous les horizons ont participé à des évènements parallèles mettant en valeur les expertises canadiennes. Cette onzième COP se déroulait pour la première fois en Amérique du Nord et pour la première fois dans un pays le l’Arctique, notre pays partageant cette zone avec plusieurs grands pays.
À titre d’hôte et de président, le Canada a pu jouer un rôle de leadership. Je voudrais ici et en toute objectivité insister sur le fait que c’est l’indéniable leadership de M. Stéphane Dion qui nous a permis d’arriver au succès que nous avons connu. Il mérite toute notre admiration. Comme je vous l’ai dit, j’ai été particulièrement honoré d’avoir été personnellement associé à cette aventure.
Parlons maintenant d’un certains nombres de données, de faits qui touchent nos vies quotidiennes. En effets les impacts du changement climatique sur l’environnement, sur l’économie et les politiques du Canada sont très significatifs et ne cessent de croître. Nous en voyons déjà les premiers signes dans de nombreux secteurs, notamment l’agriculture où on constate l’accroissement du nombre de sécheresses, les forêts par l’augmentation des feux et la multiplication des insectes, les pêches par la fermeture de certaines pêches comme celle du saumon rouge du fleuve Fraser. L’augmentation des espèces envahissantes et leurs impacts sur la biodiversité de notre pays est également un signe tangible de ce mouvement. Les conséquences économiques en découlent naturellement et, par exemple le secteur des assurances avec une augmentation appréciable des primes de risque. Le réchauffement de l’Arctique menace également notre souveraineté sur les eaux de l’archipel arctique et signifie une hausse des coûts liés à la défense de nos intérêts dans cette région.
Pour atténuer les impacts du changement climatique à l’échelle du pays, le gouvernement doit prendre rapidement les mesures nécessaires à l’adoption d’une approche globale à long terme inclusive et efficace sur le plan environnemental. Pour atteindre cet objectif, il faudra continuer à pousser nos élus pour que le Projet vert amorcé par le gouvernement précédent soit appliqué et, si possible amélioré. La nouvelle donne politique actuelle n’est malheureusement pas très propice à un très grand optimisme. En effet, hormis quelques rencontres entre ministres fédéral et provinciaux, aucun signe tangible ne s’est manifesté. La nouvelle ministre fédérale de l’Environnement a décidé d’assumer la présidence jusqu’à la conférence de Nairobi. J’espère fortement que le gouvernement, étant donnée sa nouvelle situation de responsabilité, donnera à cette question toute la priorité que la situation exige.
Par ailleurs, je vous dirais qu’aucun pays du monde ne peut se soustraire aux effets du changement climatique ni atténuer les impacts de ce phénomène en agissant seul. Le changement climatique est un véritable défi planétaire. Les scientifiques sont formels sur cette constatation. Vous aurez, sans doute, lu dans le journal Le Devoir du week-end que les prévisions des scientifiques seront sans doute encore plus pessimistes qu’ils ne l’avaient prévu à l’origine. Nous n’avons donc d’autre choix que de nous y attaquer ensemble le plus tôt possible. Plus nous attendons, plus la situation s’aggravera, et il deviendra de plus en plus difficile de la contrôler.
Il n’y a pas de solution miracle. Les efforts que nous déployons actuellement pour lutter contre le changement climatique sont certes importants mais ils ne sont que les premiers sur une route qui sera longue. Les efforts additionnels nécessaires exigeront le rapprochement de nombreux problèmes et intérêts complexes. Par exemple :
Le Protocole de Kyoto ne couvre que 35% des émissions mondiales de GES et les engagements s’y rattachant se terminent en 2012.
Les États-Unis, qui produisent 25% des émissions mondiales ne sont pas signataires du Protocole.
Les principales économies émergentes comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du sud, le Mexique et d’autres n’ont encore souscrit à aucun engagement.
Les pays en développement reconnaissent le problème mais leurs priorités sont la croissance économique et la lutte contre la pauvreté; ils ont besoin de soutien. Dans ces économies, il est primordial d’établir un profil de croissance faible pour les émissions de carbone.
Sans être inutilement pessimiste, je dirais que nous sommes aux prises avec le risque d’une impasse internationale due à la divergence et aux tensions qui existent entre les pays industrialisés et les pays en développement, les producteurs d’énergie et la plupart des pays vulnérables. En outre, comme je le signalais plus tôt, il y a urgence d’agir parce qu’il faut réaliser des réductions considérables, et tout retard en ce sens ne fera qu’amplifier le problème. En même temps, nous avons besoin de stratégies d’adaptation pour faire face aux changements qui sont inévitables. J’ajouterais que notre société occidentale et développée est mieux équipée pour faire face au changement et qu’en conséquence un devoir de solidarité avec le reste de la planète s’impose.
J’ai mentionné au début de ma présentation que le Canada s’était employé à tout mettre en œuvre pour que notre conférence soit une réussite. Des ministres et des hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral ont mené une consultation internationale sans précédent qui a nécessité la tenue de plus de 150 réunions dans plus de 50 pays. Du mois de mai au mois de novembre dernier, j’ai moi-même visité une bonne trentaine de pays. Mes consultations m’ont conduit de New York au siège de l’ONU à Bonn, siège de l’UNFCCC (la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques); je me suis déplacé sur tous les continents, de Buenos Aires à Caracas, de Rabat à Johannesburg en passant par Dakar et Nairobi, de Budapest à Moscou et Astana, de Tokyo à Wellington et New Delhi. L’objectif de base de cette stratégie visait à ce que nous puissions recueillir par cette vaste consultation un engagement international à l’égard de la mise en œuvre des engagements de Kyoto.
Au cours de ces rencontres, les pays en développement et les signataires du Protocole de Kyoto nous ont dit, par la voix de leurs autorités politiques, que cette entente devait être mise en application. Mais on nous a aussi dit que la préparation d’une entente future, pour la suite de Kyoto, devait tirer profit des enseignements découlant du Protocole, de ses difficultés et de ses avantages.
A la lumière de tous les commentaires recueillis, nous avons élaboré un cadre de travail qui comportait six éléments :
1- Atteindre une efficacité environnementale au moyen de réductions importante des émissions mondiales;
2- Concevoir un meilleur système pour soutenir le développement durable dans les pays en développement;
3- Favoriser une participation élargie pour accroître l’efficacité environnementale et viser une plus grande quantité d’émissions;
4- Privilégier un marché mondial plutôt qu’une série de marchés nationaux fermés;
5- Prévoir des incitatifs et des mécanismes efficaces pour stimuler l’innovation technologique;
6- Élaborer un programme explicite en matière d’adaptation parce que les impacts sont réels et actuels, ils sont déjà ressentis dans plusieurs régions du monde.
Nous avons présentés ces éléments lors de la
réunion ministérielle tenue en septembre dernier, à Ottawa. La réaction a été favorable à leur utilisation dans un cadre de travail global pour orienter les efforts mondiaux présents et futurs dans la lutte contre le changement climatique.
Cette période de préparation nous a également permis de percevoir un mouvement grandissant en faveur de l’action. Ce mouvement était perceptible autant chez les gouvernants que chez les organisations indépendantes.
Tout d’abord, à la réunion des pays du G8 à Gleneagles, en Grande Bretagne, les changements climatiques étaient au cœur des débats. Un consensus scientifique s’est dégagé sur la nécessité d’agir et une déclaration a été émise sur le changement climatique accompagné d’un plan d’action détaillé selon plusieurs axes et secteurs : bâtiments, électroménagers et véhicules éco-énergétiques; élaboration de stratégies sectorielles; énergie fossile plus propre, énergies renouvelables et renforcement de la recherche et développement.
Ensuite, en juillet 2005, l’Australie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis ont crée un partenariat Asie-Pacifique pour le développement propre et le climat (Asia-Pacific Partnership on Clean Development and Climate) afin de développer, de mettre en application et d’assurer un transfert de technologies plus propres et plus efficaces et de s’attaquer à la réduction de la pollution, à la sécurité énergétique et aux changements climatiques à l’échelle nationale, conformément aux principes de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Par ailleurs d’autres pays, à l’approche de Montréal, ont tenu des discussions constructives sur une approche possible pour l’avenir, ce fut le cas au Groenland ,à l’invitation du Danemark.
En septembre 2005, lors de la séance de haut niveau de la 60ième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, les participants se sont entendus sur le défi important que pose à long terme et à l’échelle planétaire le phénomène du changement climatique, qui risque d’avoir des effets sur tous les points du globe. Enfin, toujours dans l’optique de la préparation de la Conférence de Montréal, le gouvernement canadien a, comme je vous l’ai déjà signalé, tenu sa propre réunion préparatoire en septembre dernier à Ottawa, réunion qui réunissait un groupe représentatif de 38 pays afin de discuter des préparatifs de Montréal.
Voyons maintenant ce que le Canada comme hôte de la Conférence visait avec cette période de préparation, quels étaient nos objectifs et que croyions-nous possible de réaliser pendant cette réunion. Disons d’abord qu’à la lumière des consultations que nous avons tenues, nous avons pu déduire que les modestes objectifs que nous visions pourraient être atteints lors de la COP-MOP de Montréal. Ces objectifs, vous pouvez en déduire la teneur, étaient les suivants :
1- Mettre en œuvre le Protocole de Kyoto
2-Améliorer et renforcer le Protocole et la convention-cadre sur le changement climatique.
3- Ouvrir la voie à une discussion sur les possibilités d’une action concertée à long terme pour lutter contre le changement climatique.
C’est ce que nous avons appelé dans le jargon de la Conférence les trois A : Application, Amélioration et Avenir ou en anglais les trois I : Implement, Improve ans Innovate. Nous avons, à l’instar de Stéphane Dion , martelé ces trois mots tout au long de la conférence.
Ces trois objectifs appellent les commentaires suivants : Tout d’abord, il faut dire que nous étions bien conscients que tous les progrès touchant du troisième objectif allaient être facilités sinon totalement tributaires des progrès accomplis à l’égard des deux premiers. Nous savions également, nous comptions sur eux, que les pays en développement allaient être des joueurs clés dans le contexte de cette stratégie.
Il est aussi important d’ajouter qu’au fur et à mesure de l’avancement de notre processus de consultation, il nous est apparu clairement que, même si ces pays étaient prêts à donner leur appui à une approche fondée sur les éléments proposés par le Canada, ils s’attendaient à ce que les pays développés s’acquittent de leurs responsabilités au titre du Protocole de Kyoto et de la Convention-cadre sur les changements climatiques, en réduisant leurs émissions et en appuyant les efforts des pays en développement dans la lutte contre le changement climatique.
Nous savions également que les marchés allaient suivre de très près le processus. Il était pour nous évident que si les gouvernements lançaient un signal clair de leur engagement envers des énergies plus propres, cela ouvrirait la voie à des solutions novatrices axées sur le marché pour des technologies à faible carbone.
Revenons maintenant aux trois objectifs visés et examinons plus en détail ce que la Conférence de Montréal nous a permis d’accomplir.
D’abord, nous avons réussi assez rapidement, dès les premiers jours à mettre en place l’instrumentation de Kyoto, il nous a fallu nous mettre d’accord sur les 19 décisions découlant des accords amorcés à Marrakech pour établir les règles de fonctionnement du Protocole. Il nous a également fallu traiter de la question de l’établissement d’un régime de conformité. Toutes ces décisions relevaient la plupart du temps de données très technique que les organes subsidiaires de la Conférence ont abordé au cours de toutes ces journées.
Notre second objectif d’amélioration et de renforcement du Protocole et de la Convention a également été atteint. Il nous fallait renforcer et les mécanismes du Protocole comme le MDP(Mécanisme de développement propre) et celui pour l’application conjointe (AC) afin d’aider les divers pays à respecter leurs engagement et à faciliter aux pays en développement l’accès à l’expertise et à la technologie. Nous avons réussi à le faire. Le MDP a maintenant un processus d’approbation de projet plus simple et plus efficace avec un financement assuré pour les deux prochaines années afin de faire démarrer le processus. Le Canada a joué un rôle de leader dans ce domaine tout comme d’ailleurs dans celui de l’appui aux pays en développement sur le plan de l’adaptation et de la technologie. Ces éléments étaient absolument essentiels car ces pays ont besoin d’une aide accrue pour s’adapter au changement climatique. Vous n’avez qu’à regarder les actualités pour constater l’ampleur de la bataille qu’ils livrent contre les effets dévastateurs de catastrophes météorologiques. Ils ont également besoin d’un plus grand appui pour développer, mettre en application et diffuser des technologies durables sur le plan environnemental, afin de devenir des économies plus propres c’est-à-dire à intensité réduite en carbone. Ils ont d’autant plus besoin d’aide qu’une augmentation considérable de leurs émissions est prévue. ( Il s’agit de constater la croissance économique de pays comme l’Inde ou la Chine pour comprendre)
Je vous ai dit plus tôt que notre troisième objectif, que beaucoup considéreront trop modeste, consistait à amorcer une discussion à long terme pour lutter contre le changement climatique. C’est le troisième A pour avenir, le I de l’Innovation.
La délégation canadienne, encore là, suite à nos consultations, considérait que pour que Montréal soit quelque part une réussite,les pays présents devaient s’entendre sur une approche globale à long terme efficace sur le plan environnemental et intégrée à l’économie mondiale pour contrer les changements climatiques. Ce que nous voulions dire par long terme, c’est une sorte de planification pour parvenir à une stabilisation des émissions de gaz et la maintenir. L’expression « efficace sur le plan environnemental « signifie des réductions d’émission de GES en profondeur. Une approche globale était pour nous une approche inclusive de tous les grands émetteurs de GES et ceux qui revêtent une importance particulière, enfin l’intégration à l’économie mondiale signifiait que cette approche devait devenir la nouvelle façon de gérer les affaires courantes. Vous voyez donc le défi!
Étions-nous réalistes ? Nous nous basions sur la perception que nous avions de l’existence d’un consensus mondial selon lequel la science actuelle appuie la nécessité d’agir. En revanche, nous savions qu’il n’y avait aucun consensus sur la forme que devait prendre cette action. De nombreux pays avaient ratifié le Protocole de Kyoto et d’autres ne l’avaient pas fait. Encore une fois, disons que le Protocole ne couvre qu’environ 35% des émissions de GES mondiales. Nous savions également que d’ici à ce que la période d’engagement prenne fin en 2012 et compte tenu de la croissance économique prévue dans les pays qui ne souscrivent à aucun engagement de réduction, ce chiffre pourrait diminuer et peut-être
Atteindre à peine 25% des émissions de GES mondiales. Nous avions dons besoin d’une approche à long terme pour l’avenir, plus facile à dire qu’à faire me direz-vous! En effet! Le moment de faire preuve d’imagination était devant nous! Nous avions besoin de nouvelles idées .Il nous fallait faire fond sur les enseignements de Kyoto et trouver des solutions permettant d’élargir le nombre de participants, de mettre à profit la force des marchés pour stimuler l’innovation et s’adapter aux changements déjà en cours.
Le fait d’avoir atteint nos objectifs au niveau de la mise en œuvre de Kyoto et de son amélioration au niveau du fonctionnement n’étaient pas suffisant, il nous fallait amorcer la période post-2012 où les pays non signataires ou sans cible puissent d’une manière ou d’une autre intégrer un processus qui n’allait pas consacrer Kyoto comme un accord ayant eu la vie brève de 2008 à 2012 et rien après. Ce sont ces discussions avec le représentants de dizaines de délégations qui ont pris ces jours et ces nuits pour arriver à une formulation acceptable à. tous les membres de la COP, États-Unis, Russie Australie incluses C’est ce que le texte final arrive à faire, troisième élément de nos objectifs : ce n’est peut-être pas une grande innovation . Il nous permet d’intégrer les pays de Kyoto à ceux qui ne le sont pas dans un processus commun que les prochaines conférences nous aideront à voir progresser.
La prochaine réunion à Nairobi pourra faire le point sur les ateliers qui ont été décidés à Montréal, le Canada à titre de président aura un rôle fondamental à jouer, j’espère que ce sera le cas car si, Montréal a suscité des espoirs, le chemin est encore long car le travail ne fait que commencer. Si le Protocole de Kyoto n’était pas suivi sous une forme ou sous une autre d’un régime d’engagements fermes de la part des grands émetteurs de la planète, tout cela n’aura servi à rien, Montréal ne sera vraiment jugé comme une réussite, un nouveau départ que si la dynamique amorcée prend son essor rapidement et que la conscientisation des individus se manifeste de façon tangible en faisant pression sur les gouvernants et en adoptant des attitudes personnelles plus conformes aux nobles objectifs écologiques que nous connaissons tous. J’espère que nous y arriverons, j’ai des petits enfants, j’espère pour eux mais je n’en suis pas certain.
Je vous remercie de votre attention.
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